Quatrième Chapitre - LES RACINES PROFONDES DANS LE COMTE DE KENT

Sans règles précises, sans certitudes, sans organisation, avec des patins de formes diverses aux pieds des surprenants rouleurs, le hockey sur roulettes commence son époque des pionniers dans la seconde moitié du XIX siècle. Naturellement en Angleterre, et avec plus de précision dans le comté de Kent, pays à l'extrême sud-est de la terre d'Albion.

A quand remonte la première partie ? Impossible de l'établir. Nous savons, cependant que entre 1850 et 1875 les concours (qui ont la saveur du test expérimental avec le caractère de toute amitié), se disputaient sur des rinks qui avaient des dimensions jusqu'à quatre fois supérieure à celles actuelles : longueur 150 yard (un yard correspond à 0,914 mètres), largeur 84.

La légendaire piste en parquet de Hern Bay en Angleterre


Le diamètre de la balle en bois était de cinq pouces (un pouce correspond à 2,54 centimètres) pour un poids de 7 onces, mais il n'est pas clair si on traite de once "avoirdupois" (correspondant à 1/16 de livre, soit 28,35 grammes) ou de once "troy" (correspondant à 1/12 de livre donc 31,1 grammes). Les cages sont immenses en comparaison à celles du hockey modernes : elles étaient constituées de deux bouts de bois plantés à terre espacés de 21 pieds (un pied correspond à 30,48 centimètres) et unis à l'horizontal par une autre barre (la transversale) posée à 8 pieds du sol.

La largeur et la hauteur de la cage contraignent les goals à rester debout pour empêcher efficacement les tirs en lucarne. La première tentative historique pour essayer de mettre un ordre dans les règles approximatives initialement adoptées remonte à 1875 et est l'Oeuvre de "The men hockey association" de Londres et qui "avec expertise" décide de réduire les dimensions du rectangle de jeu et des cages, abaissant aussi de 11 à 7 (comme pour le hockey sur glace) le nombre de joueur en même temps sur la piste pour une équipe. A cette époque, il y a 12 équipes en activité dans le sud de l'Angleterre.

Beaucoup considèrent comme point de départ de l'ère moderne du hockey sur roulettes le 16 janvier 1886, quand dans les salons de conférences du Cannon Street Hotel de Londres, se tient l 'Assemblée constitutive de la Hockey Association, premier noyau dirigeant duquel sortira au début du XXème siècle la fédération anglaise.

Dans certaines parties d'Europe (et aussi dans quelques contrées d'Angleterre) le Hockey sur roulettes se joue encore avec un disque de 8 centimètres de diamètre qui a une grande ressemblance avec le "puck" de hockey sur glace. Une peinture anglaise de 1879 représente une phase d'un de ces primordiaux duels. Les joueurs portent de lourdes crosses à manche long, habillés de bandes horizontales, casquette d'étoffe, pantalon long et sombre jusqu'à la cheville, jambes du genou au patin assorties de deux jambières et rien aux gants. L'équipement du goal (debout sur ses jambes, parfaitement au milieu par rapport aux deux poteaux) est à tout point identique à celui des autres joueurs. La piste est extrêmement longue, avec des angles arrondis, une enceinte très haute sur les cotés et pas une seule ligne tracée par terre. L'image "classique" et un peu romantique que l'illustrateur anonyme remet à l'histoire est celle d'une grappe de joueurs en train de chuter devant le but, qui luttent pour la possession de la balle que le goal tente de repousser, en allongeant sa crosse.

En 1901 nous sommes encore loin de l'organisation d'un vrai championnat, mais l'activité de compétition s'intensifie considérablement.

En 1905, toujours à Londres naît l'Amateur Hockey Association qui 8 ans plus tard, en 1913, se transforme définitivement en National Hockey Association.

En 1910 la première rencontre internationale dont on a nouvelle : est une espèce de triangulaire dont le Royal Rink Hockey Club de Bruxelles sort vainqueur, dans la double confrontation aller et retour avec le Centaur Roller Club Paris (score de 3-0 et 3-1) et du match avec le Métropolitain Paris (2-0).

La première piste de hockey portugaise est construite au Mozambique à l'initiative d'un italien, Gianni Buccelato et elle se nomme "Teatre Variété" . Elle est ouverte en 1904 dans la cité de Lourenço Marques.

En 1912, Rogerio Futsher (par la suite premier président de la fédération portugaise) fonde le Hockey Club du Portugal. Le même Futsher indique le 15 octobre 1915 comme date de la réelle introduction du hockey sur roulettes au Portugal : "Le Hockey sur patins fut introduit par la passion du patinage (Futsher fut lui-même champion national de saut, (note de l'auteur)) le 15 octobre 1915. Les premières équipes organisées et les premières parties eurent lieu au Desportos de Benfica, sur le magnifique Rink de la maison de Gomes Pereira (Lisbonne). Deux équipes de ce club (avec sept joueurs comme le hockey sur glace) effectuèrent la première partie avec règles, balustrades, terrain fermé, joueurs équipés et crosses anglaises".

Mais le "hockey" revu et corrigé arrive au Portugal en provenance de France. Voici le témoignage de Antonio Adao : "en 1916 Cosme Damiao pour profiter du bel enclos de patinage du Sport Lisbonne et Benfica va prendre en France le règlement d'un nouveau sport, le hockey sur patins, qui fut traduit par le directeur de Mundo Desportivo, Raul de Oliveira ».

Comme première innovation, les équipes se virent réduits de 7 à 5 éléments. En Italie l'année zéro est 1912. Dans "hockey su pista in italia e nel Mondo " (Novara 1984) Gianfranco Capra et Mario Scendrate se réfèrent à la reconstruction historique de Bénito Del Mario ("Hockey", Sperling et Kupfer, 1956, Milan) : "Le hockey apparaît aussi en Italie, précisément à Milan ou, sur initiative des patineurs Vanni, Tosi et Guazzini, il est constitué au sein de la société Skating Savini deux équipes de 7 éléments qui s'entraînent sur la piste située à Sempione au "théâtre d'Etat".

C'est le Hockey club de Savini qui tente la première sortie des frontières, avec une confrontation avec l'école étrangère, déjà affirmée (et aussi assez accessible en terme de distance kilométrique) de Suisse. Le 12 décembre 1913, à Lucerne, la nation helvète surmène les milanais par 11-0. Il sera temps plus tard de se refaire.

Juste quand l'exemple de Savini commence à se développer, la grande guerre interrompt la croissance du mouvement hockeyistique italien, qui reprend en 1919, encore avec le précurseur Giovanni Vanni. C'est vraiment sous son impulsion que en 1922 se fonde le Sempione Hockey club, au numéro 5 de la rue Arorra à Milan. Peu de temps plus tard, naît la fédération Italienne de patinage à roulettes. Le premier président est un personnage auquel un autre sport (le tennis) doit beaucoup : le comte Alberto Bonacossa.

Deux ans plus tard et le hockey sur rouelettes est prêt à devenir une discipline internationale, avec sa propre fédération (fondée à Montreux en 1924), un règlement (qui remonte à 1925) et un grand tournoi (la coupe des nations, traditionnel rendez-vous pascal perpétué jusqu'à nos jours).

En 1926, l'Angleterre, la France, l'Allemagne, la Suisse, la Belgique et le Milan Skating Hockey Club représentant l'Italie, participent à la première édition du championnat d'Europe, à Hern Bay, cathédrale du hockey au même titre que Montreux. C'est le moment pour se confronter sur et aussi en dehors du terrain. Des débats entre dirigeants des diverses fédérations émerge la ligne organisatrice du hockey du futur. Le règlement international de 1925 est modifié au congrès du 6 avril 1931 à Montreux, et ensuite à Hern Bay (1934), Anvers (1938), Montreux (1939), Lisbonne (1947), de nouveau Montreux (1948), encore Lisbonne (1949), Milan (1950), Barcelone (1951) et Porto (1952).

Les curiosités ne manquent pas. On considère par exemple cet rituel original prescrit dans l' article 7 du règlement adopté à la fédération italienne après le congrès international en mai 1934 à Hern Bay. « Au commencement de chaque reprise, et après chaque point marqué la balle est mise en jeu au centre du terrain et de la manière suivante : deux joueurs adversaires devront se trouver l'un en face de l'autre (de façon à avoir sa propre équipe à leur droite) ayant un pied de chaque coté de la ligne centrale. Au signal de l'arbitre les deux joueurs devront avec la crosse, battre alternativement premièrement le parquet ensuite la crosse adverse au dessus de la balle, par trois fois consécutivement; après avoir fait cela, ils sont libres de jouer la balle. En cas d'erreur de la part d'un des joueurs, un coup franc sera tiré contre son camp ».

Aussi si l'intensité de compétition des joueurs est bien loin de celle du hockey moderne, les contacts physiques sont déjà fréquents et nombreux. A la fin des années trente, le règlement en tient compte, avec devoir, indiquant une série d'infractions à sanctionner. « Il n'est pas permis de heurter, de charger, de faire des crocs en jambes, d'obstruer volontairement le passage de l'adversaire et n'importe quelle violence qui détériore la conduite du jeu. Il est sévèrement défendu de croiser, retenir et frapper la crosse de l'adversaire, et de jeter intentionnellement la sienne. Aucun joueur ne peut s'appuyer ou se tenir à un adversaire ou à la barre pendant que l'on joue la balle. Seul le goal peut s'appuyer sur sa propre cage. La charge du goal contre les adversaires qui viendraient à son encontre est laissé entièrement à l'appréciation de l'arbitre ».

Les changements qui sont successivement introduits dans les différentes époques, regardent les dimensions du terrain de jeu qui en 1925 peut aller d'un minimum de 26 mètres par 16, à un maximum de 60 par 35.

Le congrès de 1931 introduit les mesures destinées à s'imposer comme les plus classiques et indiquées comme idéales : 40m par 20m. A la fin de 1963, la limite minimum reste celle de 30 par 15, augmenté ensuite à 34 par 17, avec l'obligation que la largeur du rectangle de jeu soit toujours la moitié de la longueur. Les rambardes en bois sur les bords de la piste deviennent obligatoires en 1931, d'abord à 10 centimètres de hauteur, en 1953 à 20. Leur épaisseur doit être d'au moins 2 centimètres et leurs angles doivent former un demi-cercle d'un rayon de 1 mètre. Des grandes cages du XIX siècle, on passe en 1925 à celle en bois, large de 1m25 et haute de 90 centimètres, ensuite à 1m55 par 1m05 et enfin, après le congrès de San Juan '89, à la largeur actuelle de 1m70, avec des montants en métal. La balle (actuellement réalisée avec une couche d'agglomérat plastique sur un coeur de liège ou avec du goudron sur du caoutchouc) augmente dans ces années son diamètre de 22 à 23 centimètres pendant que le poids descend progressivement de 170 à 155 grammes. Ce qui en fait d'authentiques projectiles pour les joueurs dotés d'un tir puissant.

La crosse est l'instrument qui a subi le moins d'altérations de 1925 à nos jours, maintenant invarié la largeur et le poids maximum (5 centimètres et 500 grammes) avec la seule modification de la longueur, passant d'une limite de 93 à une de 115 centimètres (minimum 90).

Enfin, arrive l'antijeu, la ligne qui empêche (sous peine d'interrompre le jeu) à une équipe en possession de la balle de revenir en arrière des 22 mètres.

Dans le hockey international, cette règle qui contraint les équipes à se tourner vers l'avant et ainsi rendre plus spectaculaire le jeu (déjà en vigueur dans plusieurs championnats nationaux à partir de 1981) est officiellement adoptée en 1985. Mais l'évolution n'est pas en arrêt. En Espagne par exemple, dans le championnat 91/92 se consent, à but expérimental, l'utilisation du patinage aussi pour contrôler et éventuellement tirer de volée la balle, la limite de fautes personnelles et la limite de temps pour aller au tir, attendent encore d'être approuver de la Fédération internationale.

Suite dans quelques jours...